Que contient la loi d'orientation agricole définitivement adoptée ?
La loi d'orientation agricole a été définitivement adoptée par le Sénat jeudi 21 février 2025, point final d'un sprint pour délivrer avant le Salon de l'agriculture ce texte présenté comme une réponse à la grogne du secteur agricole, mais critiqué à gauche pour des « renoncements » environnementaux, et par certains acteurs agricoles pour l'absence de mesures vraiment concrètes si ce n'est applicables. Le texte est bâti autour de la notion de « souveraineté alimentaire », avec l'objectif affiché d'accélérer l'arrivée de nouvelles générations d'agriculteurs. (Article publié initialement le 20/02, mis à jour le 26/02)
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Le projet de loi d'orientation agricole, issu d'un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire (CMP), a été définitivement validé au Sénat jeudi 20 février 2025, juste à temps pour l'ouverture du 61e salon international de l'agriculture à Paris.
Que contient précisément ce texte tant attendu par la profession agricole, et si longtemps négocié et débattu à cause des soubresauts politiques de l'année 2024 ?
Le texte balaye des sujets très divers - enseignement agricole, transmission d'exploitations, statut de la haie - avec, pour objectif principal, de veiller à une meilleure souveraineté alimentaire du pays. Il consacre plusieurs de ses articles à la levée de barrières à l'exercice du métier d'agriculteur.
La « souveraineté alimentaire » promue « d’intérêt général majeur »
Dès l’article 1er, « la protection, la valorisation et le développement de l'agriculture » est promue « d’intérêt général majeur ». Ce même article de la loi définit ensuite la « souveraineté alimentaire » comme « le maintien et le développement des capacités de la Nation à produire, à transformer et à distribuer les produits agricoles et alimentaires nécessaires à l’accès de l’ensemble de la population à une alimentation saine, et le soutien des capacités exportatrices contribuant à la sécurité alimentaire mondiale ».
Une souveraineté suivie à partir de 2026
Avec les représentants des filières et des organisations interprofessionnelles, FranceAgriMer sera chargé d’organiser, à partir de 2026, des « conférences de la souveraineté alimentaire ». Il s’agira de « définir une stratégie assortie d’objectifs, notamment de production, à horizon de dix ans, en vue de l’amélioration de la souveraineté alimentaire de la Nation ou au moins d’assurer sa non‑régression », selon Nicole Le Peih, rapporteure de la commission mixte paritaire qui a abouti au texte définitivement adopté.
Un principe de « non-régression »
La loi instaure ainsi un principe de « non-régression de la souveraineté alimentaire », sorte d’équivalent à la « non-régression environnementale scellée dans la charte de l’environnement. À gauche, certains politiques estiment que ce principe sera censuré par le Conseil constitutionnel.
Production biologique
La loi fixe à nouveau un objectif en matière de production biologique. La France devra atteindre 21% de sa surface agricole exploitée en production bio à horizon 2030.
Exit la notion « d’agro-écologie »
Sur le plan sémantique, la loi d’orientation retire discrètement la notion « d’agro‑écologie » que Stéphane Le Foll avait introduite dans le code rural en 2014. « L’agro-écologie » est remplacée, dans le code rural, par « les outils scientifiques et techniques utiles aux transitions climatique et environnementale ».
« Pas d’interdiction sans solution »
Le Parlement a introduit le précepte du « pas d’interdiction sans solution économiquement viable et techniquement efficace » au sujet des pesticides.
Sensibilisation des enfants à la réalité de l’agriculture et du changement climatique
Le programme national de formation élémentaire devra désormais intégrer « des actions de découverte de l’agriculture et de sensibilisation aux enjeux de souveraineté alimentaire et de changement climatique. »
« Dès l’école primaire, des actions d’information et de découverte de l’agriculture et des modes de production agricole permettent de sensibiliser les élèves à la réalité du monde agricole.
Au collège et en seconde, la loi invite à mettre en place des actions d’information sur les métiers du vivant et les formations qui y préparent ainsi que, pour les élèves intéressés, des stages de découverte
Information aux consommateurs : tentative d’harmonisation européenne
Parmi les premiers objectifs cités, la loi ordonne à l’État de porter « dès 2025, au Conseil de l’Union européenne, une proposition de révision de la réglementation concernant l’information des consommateurs sur les denrées alimentaires ». Pour la bonne information des consommateurs, l’État devra établir une proposition globale et cohérente comprenant notamment :
- Un affichage obligatoire du principal pays de provenance et de la part des produits provenant de l’UE, la part d’origine nationale, et le pays de transformation du produit final ;
- Un affichage lisible et clair des méthodes de production interdites ou restreintes dans l’Union européenne ;
- une meilleure mise en avant des produits sous signes d’identification de la qualité et de l’origine.
Traçabilité bovine dématérialisée d'ici août 2027
Dans un délai de trente mois à compter de la promulgation de la présente loi, en coordination avec les professionnels des filières concernées et avec l’établissement mentionné à l’article L. 513 1 du code rural et de la pêche maritime, la loi exige la dématérialisation des documents d’accompagnement des bovins par la mise en place d'une plateforme permettant l’accès à ces informations à l’ensemble des opérateurs.
Plus d’élèves et étudiants dans les filières d’enseignement agricole
La loi affiche des objectifs en matière d’orientation et de formation aux métiers de l’agriculture. Les politiques dédiées « devront viser, avant 2030, à :
- Augmenter de 30 % par rapport à 2022 le nombre d’apprenants dans les formations de l’enseignement agricole technique qui préparent aux métiers de l’agriculture et de l’agroalimentaire ;
- Augmenter de 75 % par rapport à 2017 le nombre de vétérinaires formés en France ;
- Augmenter de 30 % par rapport à 2017 le nombre d’ingénieurs agronomes formés. »
La loi définit aussi une sixième mission de l’enseignement agricole, « pour mieux préparer aux enjeux de renouvellement des générations et de transitions alimentaires. »
Ces mêmes politiques devront aussi « renforcer la promotion et l’accès à la validation des acquis de l’expérience dans les secteurs agricole et agroalimentaire », « accroître significativement le nombre des actifs de ces secteurs bénéficiant d’une formation tout au long de la vie, et particulièrement des agricultrices ».
Création d’un bac+3 « Bachelor agricole »
La loi demande à l’État de créer un « bachelor agro », diplôme national de premier cycle (bac+3) en sciences et techniques de l’agronomie
500 000 exploitants agricoles d’ici 2035
Avec la LOA, la France se fixe comme objectif d’atteindre 500 000 exploitants agricoles d’ici 2035.
Installation des femmes, remplacement : de multiples « stratégies à bâtir »
La LOA ne lève pas elle-même, directement, les barrières à l’installation agricole, mais elle demande à l’État et aux régions de faire sien l’objectif « de bâtir une stratégie pour lever les obstacles multifactoriels que rencontrent les femmes ayant un projet d’installation. »
Autre « stratégie à bâtir » : celle pour « encourager le développement des services de remplacement permettant d’assurer la continuité du fonctionnement des exploitations agricoles lorsque les exploitants s’en absentent, notamment pour des motifs professionnels liés à la formation ou à l’activité syndicale ou pour des raisons personnelles, familiales ». Il s’agit aussi « d’accompagner financièrement les services de remplacement dans les missions urgentes » de soutien et de maintien des exploitations agricoles en difficulté.
Transmission : des diagnostics modulaires et un passage de relais
La LOA prévoit la mise en place, « dès 2026, d’une aide au passage de relais pouvant être allouée aux chefs d’exploitation agricole âgés de 59 ans au moins ayant exercé une activité agricole à titre principal pendant une durée suffisante, s’ils cessent définitivement cette activité et rendent leurs terres et les bâtiments d’exploitation disponibles pour une installation aidée. »
Dans le même temps, avec les régions, l’État mieux accompagner la création et promouvoir la mise en œuvre de diagnostics modulaires des exploitations agricoles.
Ces diagnostics d’exploitation, que l’on pourrait comparer aux diagnostics obligatoires lors d’une cession d’un bien immobilier, seront composés de modules. Ces derniers fourniront des informations sur :
- les débouchés et à la volatilité du marché dans la spécialisation envisagée ;
- la résilience et à la capacité d’adaptation du projet à l’horizon 2050 ;
- la disponibilité et à la modernité des agroéquipements et des bâtiments agricoles ;
- laperformance agronomique des sols de l’exploitation ;
- la stratégie de maîtrise des coûts de production ;
- l’organisation du travail sur et en dehors de l’exploitation ;
- les éventuels besoins de formation de l’exploitant agricole ;
Passage de relais grâce à l'essai d'association
En vue d’une projet d’activité agricole en commun, un porteur de projet pourra effectuer un « essai d’association ».
Selon la loi, « l’essai s’entend d’une période d’un an, renouvelable une fois, au cours de laquelle la personne, qu’elle ait déjà ou non la qualité de chef d’exploitation, expérimente un projet d’exploitation en commun dans une société à objet principalement agricole ou avec un ou plusieurs autres exploitants agricoles. » La personne à l’essai, sauf si elle a le statut d’aide familial, serait ainsi liée à la société ou aux exploitants par un contrat de travail, un contrat d’apprentissage, un contrat de stage, ou un contrat d’entraide lorsqu’elle a la qualité de chef d’exploitation.
« France Services Agriculture » pour mieux accompagner les projets d'installation
Dans chaque département, le « point accueil installation » sera remplacé par un même guichet unique intitulé « France Services Agriculture », qui restera géré par les chambres d’agriculture, et intégrera les régions dans sa gouvernance. Ce guichet unique devra suivre des schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles, déclinés par territoires et par filières, qui seront mis en place.
Gestion « simplifiée » et durable des haies
La loi d'orientation se donne deux objectifs en matière de gestion des haies : simplifier le millefeuille réglementaire qui encadre la création, l'entretien ou la destruction, et contrainte l'Etat à fixer une stratégie de valorisation de la biomasse issue de ces haies.
Le texte de loi consacre un chapitre à la gestion des haies en instaurant un « régime unique ». Il s'agit de mettre fin au millefeuille législatif.
En matière de développement des haies, et en lien avec le précédent « Plan haies » annoncé en septembre 2023, le texte rappelle qu'il s"agit de tendre, à compter du 1er janvier 2030 , à une augmentation nette du linéaire de haies de 50 000 kilomètres par rapport au 1er janvier 2024. Ce linéaire supplémentaire de haies doit être en gestion durable.
La loi définit également les mesures permettant d’atteindre une mobilisation, en 2030, de 500 000 tonnes de matière sèche par an issues de haies gérées durablement, et d’atteindre en 2048, un total de « 500 000 kilomètres de linéaires gérés durablement sur l'ensemble du territoire métropolitain et ultramarin »
Des atteintes à l'environnement non intentionnelles moins sanctionnées
Le texte contient par ailleurs bon nombre d’engagements pris par le gouvernement en matière de simplification, en réponse à la crise agricole.Ils ont instauré un "droit à l'erreur" pour les agriculteurs, en inscrivant dans la loi une présomption de "bonne foi" d’un exploitant lors d'un contrôle administratif. Les atteintes environnementales "non intentionnelles" ont été largement dépénalisées au profit d'amendes forfaitaires de 450 euros.
Les constructions, ouvrages, installations ou aménagements agricoles seront sortis du décompte du zéro artificialisation nette (ZAN).
A noter enfin que les tirs de défense seront facilités pour lutter contre la prédation du loup.
Le texte introduit une présomption d’urgence pour le traitement des recours contentieux à l’encontre des projets d’élevage et des ouvrages agricoles et hydrauliques.
sécuriser devant le juge administratif des projets tels que les retenues d’eau ou les bâtiments d’élevage hors-sol face au droit de l’environnement.
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